Quand j’étudiais à l’UQAM, j’aimais bien remonter jusqu’au métro Mont-Royal avant de continuer ma route dans les transports en commun (pour ceux qui ne sont pas de Montréal, l’UQAM, c’est l’Université du Québec à Montréal qui se trouve au métro Berri-UQAM, en plein coeur de la ville, un quartier qui s’appelle le Quartier Latin. La marche jusqu’au métro Mont-Royal prend environ 30 minutes, si je me rappelles bien. On s’y rend en marchant sur la rue Saint-Denis, une rue commerciale où se multiplient les bars et les commerces.). J’y ai croisé un nombre impressionnant d’itinérants. Au bout d’un mois, je me suis rendue compte que de donner un peu à tout le monde me coûtait pas mal plus cher que ce que pouvaient me permettre mes prêts et bourses. J’étudiais en psychologie. Je croyais que c’était ma responsabilité de m’occuper d’eux.
Les sous se faisant rares, j’ai pris l’habitude de les remplacer par un bonjour, bonne chance ou bonne soirée, mais surtout, accompagnés par un sourire et un regard. Un regard. Je me suis souvent dit en passant près d’eux qu’à force de ne pas être vus, ils doivent avoir l’impression d’être schizophrènes. Imaginez-vous passer votre journée à parler aux gens et à n’avoir pratiquement aucune réponse tant les gens sont occupés à ne pas vous voir. Moi, je serais devenue schizophrène. Il est vrai que quelques-uns le sont…
Je ne suis pas sortie de chez moi depuis presque 2 mois, maintenant. Je ne sais pas à quoi ressemblent les rues dehors. Mais je me dis qu’avec moins de gens en ville, les sans-abri doivent réussir à avoir encore moins de regards et de sourires dans leur journée… et encore moins de petite monnaie pour se payer un lit dans un refuge.
Comment respecter les règles d’hygiène recommandées pour la COVID-19 quand on n’a même pas les ressources pour les règles d’hygiène de base. La distanciation sociale ne doit pas être simple à respecter, non plus, dans les lieux d’hébergement. Ils sont déjà pleins en temps normal et doivent refuser beaucoup de personnes; espacer les lits (donc en enlever plusieurs) doit vraiment crever le cœur.
Et s’ils tombent malades, auront-ils le réflexe d’aller se cacher (où?) pour ne pas propager la maladie? Au moins les hôpitaux soignent les patients qui n’ont pas de carte d’assurance-maladie gratuitement s’ils sont là pour des raisons liées à la COVID-19. Mais le savent-ils et iront-ils?
Et le 2000$ pour la PCU? Difficilement accessible quand tu n’as pas d’adresse ni compte en banque et que tu ne suis pas vraiment les nouvelles.
Il y a heureusement des mesures qui ont été prises pour eux. On tente de leur faire un place dans notre vie. Ils y ont bien droit, eux aussi, à la protection de la ville!
Je pense à vous, les sans-abri. Je vous espère en sécurité. J’espère que quelqu’un vous voit tous les jours pour vous rappeler que vous êtes vivants, humains et importants. Tout le monde est important, vous compris.