La mélancolie de l’auteure

En démarrant ce blogue, je souhaitais partager mes pensées sur le monde, faire la promotion de mon travail d’auteure, me provoquer en duel pour écrire plus.

Mais…

La vie étant ce qu’elle est, et étant ce que je suis, c’est plutôt sur la santé mentale qu’ont porté mes textes. Je ne regrette pas, j’ai écrit ce qui me venait. Ce qui était vrai. Je n’en suis pas gênée.

Mais voilà. Je commence à aller mieux et j’écris moins.

Ça me fait réfléchir.

Beaucoup.

Je n’ai jamais adhéré à l’idée de l’artiste malheureux. Je ne crois pas qu’on doive souffrir pour créer. Avoir vécu des choses difficiles aide sans doute quand vient le temps de rendre l’écriture réaliste, mais l’image de l’artiste qui a besoin d’être tourmenté pour créer, je n’y adhère pas. De mon point de vue, c’est un leurre qui permet à plusieurs de se maintenir dans un état de détresse et de se trouver des excuses pour ne pas aller mieux, pour ne pas affronter ses démons.

Or, je constate récemment que mon écriture est plus profonde, plus puissante, quand je ne vais pas bien. Ça m’embrouille et me laisse perplexe.

J’ai toujours été mélancolique. J’ai depuis longtemps utilisé l’écriture pour m’aider à sortir de cette mélancolie. Est-ce à dire que le moteur ou l’étincelle de mon écriture est la déprime?

D’un autre côté, l’écriture pour la jeunesse a été possible et même plus facile dans les périodes de grand bonheur.

Comment écrit-on quand on va bien? Qu’ai-je tant à raconter, quand je vais bien? Ai-je l’écriture lourde?

Amertume

Constat: je suis amère.

Une auteure amère.

J’ai fêté récemment les 4 ans des Trognons! De 2008 à 2012, j’ai publié 9 titres. Tout allait bien.

Mais voilà. Quelques embûches sur le chemin, j’ai perdu mes deux éditeurs presque en même temps. Les 400 coups ont changé de propriétaire et la ligne éditrice ne m’inclut plus. La courte échelle a fait faillite et la nouvelle ligne éditoriale ne m’inclut plus non plus.

J’en suis très triste, et je dois l’avouer, j’en reste amère. Le monde du livre n’est pas à son meilleur en ce moment. Des coupures partout, moins de gens qui achètent des livres… difficile de faire sa place chez un nouvel éditeur puisqu’ils sont tous bookés jusqu’en 2017! Difficile même pour ceux qui ont de l’expérience dans le milieu du livre, qui ont des contacts et 10 publications derrière la cravate. Je n’ose même pas imaginer la difficulté qu’éprouvent les jeunes auteurs en quête d’une première publication.

J’ai 6 manuscrits prêts à être présentés à un éditeur. 5 albums et un premier roman! Après la publication de ma nouvelle dans le recueil de l’AEQJ, je me suis dit que ce serait bien de tâter le roman. J’ai réussi à transformer un album qui ne fonctionnait pas en roman qui, espérons-le, fonctionne. Mais qu’est-ce que je fais maintenant? 6 manuscrits qui valent la peine d’être lus et une recherche d’éditeur qui ne mène à rien (tiens, on dirait une phrase de Léa enquête!) Et cette peur au ventre de ne plus être une auteure. Cette peur que le sentiment de l’imposteur ait été plus qu’un sentiment dans mon cas. Mon éditeur m’a dit « j’espère que tu ne vas pas rester amère de ça. Tu as déjà publié, tu vas publier encore. » Ouais. Peut-être. Mais en attendant, vous m’avez coupé l’envie!

J’ai tendance à ne pas prendre mes responsabilités. À remettre la faute sur les épaules des autres. Bien mauvaise attitude. Mon réflexe est de faire comprendre aux éditeurs leur rôle dans le processus créatif (ou l’absence de…), de leur faire prendre une responsabilité dans le cheminement de leurs auteurs, qu’il comprennent toute l’importance qu’ils ont sur la vie et la mort des œuvres. Bien mauvaise attitude.

Je constate: je n’écris plus par plaisir, mais pour être publiée. Parce que j’ai peur de ne plus être auteure. J’ai peur de me sentir humiliée devant mes collègues. J’ai peur que mon identité, celle d’écrivaine, n’existe plus. Je n’ai plus envie d’écrire en ce moment. Ouin, pis?

Conflit intérieur

Ouin, pis? Pas si simple.

Le conflit, c’est ce qui crée de la pression. Je n’ai plus d’idées pour écrire. Mais j’ai encore envie d’écrire. J’ai envie de publier aussi. J’aime inventer des histoires. J’aime le sentiment particulier que j’éprouve quand je sens enfin que mon histoire est bien bouclée. Que ça se tient. Qu’il y a quelque chose d’intéressant derrière les mots que je viens de taper. Je m’ennuie de ce feeling-là.

J’ai 6 manuscrits entre les mains qui ont besoin d’une maison, d’un partenaire de création. Qui ont besoin et le droit d’exister. Je les garde dans mes poches en attendant que le moment se présente.

J’irai faire un tour au salon du livre ce dimanche. En touriste pour la première fois depuis 19 ans. 19 ans à travailler au salon du livre. Ça en fait des années!

L’amertume est là. Je ne peux pas la nier. Mais, je peux l’affirmer, elle passera. Comme les nuages. Comme la dépression. Comme cette période noire du livre.

Un tourbillon calme

Je suis (devenue) un tourbillon calme. Les choses vont et viennent dans tous les sens. Mais je marche droit. Enfin, c’est ce qu’il me semble. Les pas sont lents et pas aussi nombreux que je le voudrais, mais ils avancent, dynamiques et synchronisés.

Je danse, je ne marche pas. Une valse, c’est certain.

Ces dernières semaines, j’ai accompli. Accompli! Des choses. Plein de choses.

D’abord, je viens de remettre deux textes à mon éditeur. Youppili youppilaï! Ils en ont donc quatre entre les mains. J’ai hâte d’en avoir des nouvelles! Ce sont deux titres dans la collection des Trognons. Après Léa, Nathan, Emma et Gabriel, il y avait déjà Juliette et Mathis qui attendaient… voilà que se rajoutent à eux Olivier qui veut un bébé et Romane qui veut devenir un poisson. J’avance dans cette série et je sens que je prends mes aises. L’écriture est de plus en plus facile. J’ai accepté que les premières versions seraient nécessairement très mauvaises et que ce serait entre la version 4 et 5 que je verrais apparaître une histoire présentable à un éditeur. Cette fois-ci, je me suis rendue à 7 versions. J’attends les commentaires de l’éditeur, il y aura, c’est sûr, beaucoup plus que 7 versions! En tout cas, ça me rend heureuse d’avoir terminé ça.

Mitaines tricotéesJ’ai terminé mon premier contrat de tricot: des mitaines! Le patron était un vrai défi pour moi: en anglais, avec des torsades et tout plein de points que je n’avais jamais faits avant. Je m’en suis pas mal bien tirée. Même si, rendue à la moitié de la mitaine gauche, je me suis rendue compte que j’étais en train de tricoter une deuxième mitaine droite… Détricoter fait partie du jeu… et comme je le dis à mes élèves: ne t’attache pas à ton tricot, tu vas sûrement devoir le défaire plusieurs fois avant que ce soit la bonne! Ben ça m’arrive aussi, hein!

 

Courtepointe LéonardJ’ai aussi terminé et envoyé la courtepointe sur laquelle je travaille depuis août dernier (hum… 10 mois, donc!) Pas mal fière du résultat. Elle était destinée à Léonard Gentil, le fils de mon frérot suisse. Elle a donc voyagé jusque là-bas et fait un bébé content! Et des parents aussi. Je peux vous la présenter maintenant qu’elle a été reçue. Qu’en pensez-vous?

 

 

 

Carrés courtepointe rose-bleueComment fait-on une courtepointe? Je me suis amusée à détailler la confection du dessus d’une nouvelle courtepointe. D’abord, on coupe les ti-carrés. Ensuite, on les mets côtes à côtes et on essaie de voir à quoi ça pourra ressembler. Puis, j’ai cousu les carrés deux par deux. C’était mon étape 1 (2-3-4… hum!).

Madame Castafiore courtepointe rose-bleueÉtape suivante, assembler les rectangles et essayer de faire comprendre à Madame Castafiore que ce n’est pas une couverture pour elle… pas faciiile!

Bon, je passe aussi toutes les étapes de repassage, de coupage de fils, de remise en place de tous les carrés et rectangles, de tous les problèmes de fils qui s’emmêlent et qui demandent de tout découdre et de recommencer. Ce serait très long pour rien… Presque aussi long que de le faire.

Les rectangles sont assemblés en carrés et les nouveaux carrés en autres rectangles et ça va comme ça jusqu’à ce qu’il ne reste qu’une couture à faire entre deux gros morceaux. Et là, tu souffles en te disant que t’es ben ben bonne et patiente! Restera à acheter la flanelle pour mettre en dessous et le molleton pour l’intérieur. Oh! Et les tissus pour faire une bordure sur le dessus et le biais (rebord qui retient toutes les couches). Ouf! C’est presque fini, hein? …

Quatre morceaux courtepointe rose-bleue Courtepointe rose-bleue dessus

 

J’ai accompli tout ça en plus d’une super ronde de 9 jours consécutifs à aller au Camellia Sinensis. Quel bonheur de retrouver mon rythme. J’ai mieux travaillé que les semaines précédentes. Et je ne me suis pas tapée sur la tête parce que je me levais trop tard. Belles semaines entourée d’amis, de vrais bons amis qui sont là quand il faut et qui savent nous prendre dans leurs bras quand ça ne va pas… et rire quand c’est ce dont on a besoin. Au Camellia, j’oublie tout. Je n’ai pas de dépression, je n’ai pas de TDAH, je n’ai pas de problèmes, je suis là, il y a mon thé et ma famille d’adoption. Le bonheur. Vous ne connaissez pas? Foncez… FONCEZ!

Les griffes d'un woolong Le dragon-thé Créature malicieuse

Sous le nez d’un dragon, des griffes et des nuages. Et sur le dragon, une créature malicieuse… vraiment malicieuse!

Hier soir, soirée Les visages de la santé mentale dont je vous ai tant parlé. Mon portrait a été mis à l’encan. Ma mère l’a acheté pour me l’offrir. Il trône dans mon couloir d’ici à ce que je lui trouve une place de choix. Je l’ai placé quelques minutes sur ma machine à coudre pour pouvoir lui tirer le portrait. Elle ne restera pas là, trop peur que les minous lui donnent son coup de grâce. Mais je la regarde tandis que j’écris ce billet et je me dis, ouais, c’est un sacré gros combat que je mène et cette photo c’est un peu une victoire.

Laurence-Aurélie Théroux-Marcotte par Patrick Lemay

Laurence-Aurélie Théroux-Marcotte par Patrick Lemay

Sur l’étiquette en bas à droite, il est écrit:

« J’ai toujours trouvé que j’avais un petit air d’extraterrestre, malgré mon côté pétillant, souriant et battant!

Derrière mon sourire, beaucoup de souffrance.

À 29 ans, j’ai explosé en larmes chez mon médecin. Il a compris que je ne me plaignais pas depuis l’âge de 13 ans pour rien. Fatigue, difficulté à me concentrer, introspection excessive, anxiété, tristesse, difficulté à lire, dégoût de la routine, besoin de bouger, temps et efforts nécessaires pour me mettre à la tâche: je n’ÉTAIS pas paresseuse, j’AVAIS une dépression et un TDAH! On m’avait entendue, comprise. Enfin, je ne me battrais plus toute seule.»
Portrait de Laurence-Aurélie Théroux-Marcotte photographiée par Patrick Lemay
LES VISAGES DE LA SANTÉ MENTALE – 5 mai 2014 – Montréal

J’ai accompli tout ça en quelques semaines et je suis fière de retrouver mon entrain, mon humour, ma gourmandise, mon envie de tout plein et de trop plein! Les gens se plaignent de la température. C’est qu’ils ne savent pas comme l’hiver est long dans les ténèbres. Moi je trouve que ce printemps est parfait. Des journées pour tous les goûts. Et du soleil, enfin, jusque tard le soir. Je ne me sens plus coupable.

Je crois que les traitements d’ostéopathie et les Omégas-3 aident énormément. Je me sens mieux, vraiment mieux. Mais j’ai peur d’utiliser ces mots-là… je les ai tellement dits souvent avant de replonger un peu plus bas. C’est pour ça que je me calme. Que je calme mon tourbillon. Doux, doux, tourbillon. On va valser, encore, sans s’étourdir, cette fois. Ok? Ok.

Outaouais, Ottawa et un trognon!

J’adore les salons du livre. La semaine dernière, c’était au tour de Gatineau (ou devrais-je dire Hull?) de nous inviter. Il est bien agréable, ce salon. Les gens s’intéressent aux auteurs, prennent le temps de leur parler et se laissent même convaincre de repartir avec quelques livres.

Je n’y étais malheureusement pas comme auteure cette fois-ci, mais comme libraire pour Dimedia. Ça me manque, cette année, ces rendez-vous avec les jeunes lecteurs. C’est tellement émouvant de voir un coco haut comme trois pommes, tout gêné, finir par nous raconter toutes sortes d’histoires. Chaque fois, je fais le plein d’idées. Exploitable ou non. Peu importe, c’est le souffle de créativité qui vient avec qui m’intéresse! Même sans séance de signature, j’ai trouvé le moyen d’y croquer un petit bout d’inspiration.

Aujourd’hui, lundi post-salon, j’ai décidé de me promener dans Ottawa. Je ne suis pas allée bien loin, un tour du bloc à trois ou quatre rues de là où je séjournais. Je suis d’abord arrêtée dans un café. J’ai sorti mon cahier de notes et j’ai pondu, en une heure environ, une première version d’un futur Trognons.

Toute contente de mon travail, et d’être sortie malgré le froid, je reviens à Montréal le cœur léger malgré la fatigue!

Et la personne qui se mérite un Léa enquête est…

Roulement de tambour!

Alors, nous avons effectué un très sérieux tirage pour désigner le gagnant du livre de Léa enquête (oui oui, vous avez tous bien deviné!).

La personne qui se mérite un exemplaire du livre est…

 

Mariève Isabelle (Montréal)

Mariève, on se voit bientôt pour que je puisse te remettre ton livre!

Bravo!