Du poil de la bête

Il y a une bête, dans mon histoire. Une bête noire. Une bête qui te ronge de par en-dedans quand tu ne t’y attends pas, quand tu as le dos tourné. Cette bête est comme un cancer. Un cancer de l’âme, de la volonté, de la motivation.

Heureusement, on a trouvé des moyens de la dompter. De la rendre toute petite. Je ne sais pas si elle finit par disparaître vraiment. C’est qu’elle laisse sa trace en anxiété, en traumatismes de toute sorte.

Il y a de la lumière dans cette histoire. De la lumière qui vient de partout. Amis, famille, parents, petits plaisirs, résilience, force de caractère, système de santé. Oui oui! Le système de santé contre lequel on crie tant, il m’a sauvé la vie.

Le problème avec la lumière, quand tu as été habituée à la bête noire, c’est qu’elle éblouit. Qu’elle fait perdre le sens, les sens. Elle te fait perdre ta route. Alors, tu te mets à douter de tout et tu trembles d’effroi parce que l’ombre de la bête noire se dessine dans la lumière. Tu essaies d’oublier. De te concentrer sur ta lumière. Mais la bête noire te traque, menaçante et omniprésente.

Et tu te sens abîmée. Épuisée. Et tu as peur que ton petit bonheur soit un décor en carton. Que tu ne sois faite que pour dompter les bêtes noires. Tu as peur d’être Sisyphe. Que ton nouvel amour se lasse de toi, parce que forcément tu finiras par être lourde et il n’acceptera pas de te porter dans ses bras les jours où tu baisses les tiens.

Et puis tu te félicites d’avoir un nouveau travail. Et tu angoisses de ne pas être à la hauteur. Tu désespères de ne pas arriver à te lever le matin. Tu prends des taxis pour limiter les dégâts de ta non-adaptabilité. Tu n’as donc pas un sous à mettre de côté. Et tu vas tellement mieux que tu ne peux plus avoir d’aide. Mais toi, tu ne vois pas que ça va mieux. Tu entends seulement le râle inquiétant de cette bête qui ne veut pas mourir.

Tu t’imagines le travail idéal. Tu ne te vois bien nulle part. Si. Peut-être ici ou là. Mais tu n’as pas l’expérience ou les sous ou la crédibilité requise. Alors tu te mets à pédaler à toute vitesse dans ta tête. Tu es prise au piège dans la même cage que la bête noire. Et tu tournes en rond.

Puis, un jour que tu écris un texte, tu te rends compte que les petits chatons, sous certaines lumières, projettent des ombres de bêtes meurtrières sur les murs. Et que sûrement, ta bête noire à toi, n’est qu’une question d’ombre et de lumière.

Alors, tu décides de te remettre à respirer. Une bouffée d’air à la fois. Et de ne penser à rien.

Ta bête noire bien assise sur tes genoux. Ronronnant sous tes caresses.

Tu ne te le cacheras pas. La bête n’est pas inoffensive. Mais cette fois, tu connais les moyens à prendre pour la faire taire. Cette fois, tu n’es pas seule. Cette fois, ça ira.

Ça ira.

De la culpabilité de s’écouter

Il y a un apprentissage qui n’est pas simple à faire quand on est de ceux qui se sont valorisé par la présence aux autres. Celui de s’écouter.

Samedi dernier, j’avais un souper de famille pour un oncle que j’adore. Pour ses 50 ans, ce n’est pas rien. J’avais aussi un autre souper, si je revenais en ville assez tôt, pour l’anniversaire d’un ami avec un nouveau groupe de joyeux lurons pour qui j’ai eu un coup de foudre (je les ai rencontrés en allant garder des enfants que je ne connaissais pas, ni leurs parents, d’ailleurs). Mais laissons ça de côté pour tout de suite.

Il y avait aussi deux activités qui me tentaient dans cette journée magnifique (n’oublions pas que samedi, c’était un temps à ne pas mettre une rousse dehors!): les portes ouvertes des ateliers d’artistes coin Ontario et De Lorimier; le vernissage chez Raplapla coin Villeneuve et St-Urbain. Une seule folle assez folle pour parcourir la ville avec moi: Aimée. On se fait signe assez tôt, vers 1h30 on est en route. Après un dîner au Capri, on est pleines (je roule presque) et on a un peu moins d’entrain et de courage à courailler la ville d’est en ouest. Décision: autobus Rosemont, marche vers Raplapla et Camellia (mon amie doit y être pour 17h, pas grave, je dois être à Ahunstic pour 16h30). Gardons ça en tête pour tout de suite.

En passant devant la nouvelle bibliothèque Marc-Favreau, on impulsionne d’aller y jeter un œil. (J’ADORE LES JOURNÉES D’IMPULSIONS!) La bibliothèque est magnifique. Ça sent la bibliothèque, il y a des gens partout (malgré que ce soit une journée à ne pas mettre rousse dehors!), des coins aménagés avec intelligence où on peut lire en paix. Bref, on y passe un petit 15 minutes bien investies et on ressort avec un sourire presque aussi étincelant que le soleil.

On file chez Raplapla (première journée en robe pas de collants, les filles qui ont un surplus de poids comme moi comprendront la souffrance derrière le sourire: les cuisses qui brûlent de friction, aouch!). J’y vois la moitié féminine du groupe d’amis joyeux lurons chez qui je ne peux pas aller parce que c’est la fête de mon oncle (50 ans, c’est pas rien!) On rit (parce qu’avec ces dames, on rit! Elles sont géniales. Josée et Émilie, vous l’êtes, géniales!) Je peux leur présenter ma douce-moitié-amicale-que-si-c’était-un-homme-on-serait-époux, on boit de la limonade gratuite, on rigole à l’idée de repasser devant les jeunes filles qui en vendent un peu plus loin en disant « han-han! on l’a même pas payée! » (ce qu’on ne ferait jamais… parce qu’on est des bonnes filles!) Et vlan! Aimée et moi repartons rien que sur un bord de cuisse (l’autre est d’une souffrance à écorner les bœufs qui n’amassent pas mousse). Petit fait cocasse: mes médicaments créent une sueur pas possible sur ma personne qui, déjà, avait tendance à avoir chaud facilement. On ajoute à cela un surplus de poids causé par les mêmes médicaments (damnés médicaments!) qui fait que se lever est un effort et un soleil à ne pas sortir sa rousse, ça donne une grosse rouquine moite. Hum. L’image est plus effrayante que la réalité. Sauf que c’est une journée venteuse aussi. Fiou! Bonheur, vous dites-vous. Ben non! Parce que j’ai les cuisses qui chauffent d’avoir trop tapé des mains, je tiens le bas de ma robe pour pas jouer les Marilyn, je reluis et vlan, un coup de vent sorti de nulle part m’envoie une pluie de sable dans la figure. Menoum, me dis-je en recrachant les poussières croquantes de ma bouche avec le peu d’élégance qu’il me reste. J’ai l’impression d’avoir été bétonnée. Pas grave, on réussit à attraper l’autobus! Yé!

Arrivées au Camellia (je ne ferai pas le récit de la longue marche, encore, qui finit d’éroder la peau délicate qu’il me reste dans l’intérieur des cuisses), je commande mon thé en me disant que je dois appeler mon père tout de suite pour lui dire que je n’irai pas finalement au souper de mon oncle. Ça me stresse de l’appeler pour lui dire ça. Beaucoup. Ça me stresse de me dédire d’un souper de famille. Comme si ce n’était pas un droit de manquer une rencontre familiale. Un employé vient s’asseoir avec moi, je lui raconte mon tracas (sans lui parler de mes cuisses qui brûlent, quand même…): souper de famille, important pour mon père dont c’était l’anniversaire la veille, important parce que j’aime mon oncle et sa gang, important parce qu’il n’y a plus beaucoup de rencontres de ce genre, mais difficile pour moi d’affronter la famille même si je vais mieux (les événements sociaux sont encore très anxiogènes pour moi), pas envie de faire semblant que j’aime ma cousine « qu’on ne s’aime pas mutuellement », de faire comme si j’avais oublié cette fois où ma tante m’a envoyé une droite pis un uppercut en pleine tronche alors que j’étais là pour elle depuis un bout, de passer par-dessus le fait que ma cousine que j’aime beaucoup m’a laissée tomber en ne remplissant pas sa promesse alors que ça aurait pu me sortir de ma dépression il y a deux ans… Pas envie de faire comme si. Trop trop difficile de faire comme si. Et je vais bien, là, je veux pas mettre trois semaines à m’en remettre. Puis, bang! Je réalise qu’il est 16h36, que mon frère a tenté de m’appeler. Je sors en trombe, je rappelle mon frère, et je le charge de dire à mon père de ne pas m’attendre, que je ne viendrai pas.

Je me mets à écrire. Belle soirée, finalement. J’ai écrit un chapitre de ce projet auquel je travaille avec ma mère. D’autres employés viennent me dire qu’ils partent boire du vin pas loin et m’invitent à me joindre à eux. Puis une autre vient me voir, l’air un peu tristounette et me demande si je n’irais pas prendre un verre avec elle. Je ferme mes trucs, je l’accompagne pour un verre. En sortant, texto de l’autre gang: viens nous rejoooooindre. Ok! Embrasse l’une, rejoins les autres, dis quelques vulgarités, rires intenses et je repars vers la maison. Belle soirée où je me suis écoutée.

Mais, j’ai manqué deux soirées, finalement. En disant non à mon père, j’aurais dû me rendre à l’autre party, avec mon groupe de joyeux lurons. Mais je me sentais déjà tellement coupable de n’être pas allée fêter mon oncle que j’aime tant, que j’ai opté pour du tout nouveau: on efface et on recommence. Rentrée à la maison, me suis fait une grosse salade et j’ai écouté (500) days of Summer que je voulais voir depuis un bon moment. Soirée parfaite.

Ou presque…

De la culpabilité de s’écouter…

(Depuis, mon père m’a dit qu’il avait compris et je me sens mieux.)

(Même pas attrapé de coup de soleil!)

Un tourbillon calme

Je suis (devenue) un tourbillon calme. Les choses vont et viennent dans tous les sens. Mais je marche droit. Enfin, c’est ce qu’il me semble. Les pas sont lents et pas aussi nombreux que je le voudrais, mais ils avancent, dynamiques et synchronisés.

Je danse, je ne marche pas. Une valse, c’est certain.

Ces dernières semaines, j’ai accompli. Accompli! Des choses. Plein de choses.

D’abord, je viens de remettre deux textes à mon éditeur. Youppili youppilaï! Ils en ont donc quatre entre les mains. J’ai hâte d’en avoir des nouvelles! Ce sont deux titres dans la collection des Trognons. Après Léa, Nathan, Emma et Gabriel, il y avait déjà Juliette et Mathis qui attendaient… voilà que se rajoutent à eux Olivier qui veut un bébé et Romane qui veut devenir un poisson. J’avance dans cette série et je sens que je prends mes aises. L’écriture est de plus en plus facile. J’ai accepté que les premières versions seraient nécessairement très mauvaises et que ce serait entre la version 4 et 5 que je verrais apparaître une histoire présentable à un éditeur. Cette fois-ci, je me suis rendue à 7 versions. J’attends les commentaires de l’éditeur, il y aura, c’est sûr, beaucoup plus que 7 versions! En tout cas, ça me rend heureuse d’avoir terminé ça.

Mitaines tricotéesJ’ai terminé mon premier contrat de tricot: des mitaines! Le patron était un vrai défi pour moi: en anglais, avec des torsades et tout plein de points que je n’avais jamais faits avant. Je m’en suis pas mal bien tirée. Même si, rendue à la moitié de la mitaine gauche, je me suis rendue compte que j’étais en train de tricoter une deuxième mitaine droite… Détricoter fait partie du jeu… et comme je le dis à mes élèves: ne t’attache pas à ton tricot, tu vas sûrement devoir le défaire plusieurs fois avant que ce soit la bonne! Ben ça m’arrive aussi, hein!

 

Courtepointe LéonardJ’ai aussi terminé et envoyé la courtepointe sur laquelle je travaille depuis août dernier (hum… 10 mois, donc!) Pas mal fière du résultat. Elle était destinée à Léonard Gentil, le fils de mon frérot suisse. Elle a donc voyagé jusque là-bas et fait un bébé content! Et des parents aussi. Je peux vous la présenter maintenant qu’elle a été reçue. Qu’en pensez-vous?

 

 

 

Carrés courtepointe rose-bleueComment fait-on une courtepointe? Je me suis amusée à détailler la confection du dessus d’une nouvelle courtepointe. D’abord, on coupe les ti-carrés. Ensuite, on les mets côtes à côtes et on essaie de voir à quoi ça pourra ressembler. Puis, j’ai cousu les carrés deux par deux. C’était mon étape 1 (2-3-4… hum!).

Madame Castafiore courtepointe rose-bleueÉtape suivante, assembler les rectangles et essayer de faire comprendre à Madame Castafiore que ce n’est pas une couverture pour elle… pas faciiile!

Bon, je passe aussi toutes les étapes de repassage, de coupage de fils, de remise en place de tous les carrés et rectangles, de tous les problèmes de fils qui s’emmêlent et qui demandent de tout découdre et de recommencer. Ce serait très long pour rien… Presque aussi long que de le faire.

Les rectangles sont assemblés en carrés et les nouveaux carrés en autres rectangles et ça va comme ça jusqu’à ce qu’il ne reste qu’une couture à faire entre deux gros morceaux. Et là, tu souffles en te disant que t’es ben ben bonne et patiente! Restera à acheter la flanelle pour mettre en dessous et le molleton pour l’intérieur. Oh! Et les tissus pour faire une bordure sur le dessus et le biais (rebord qui retient toutes les couches). Ouf! C’est presque fini, hein? …

Quatre morceaux courtepointe rose-bleue Courtepointe rose-bleue dessus

 

J’ai accompli tout ça en plus d’une super ronde de 9 jours consécutifs à aller au Camellia Sinensis. Quel bonheur de retrouver mon rythme. J’ai mieux travaillé que les semaines précédentes. Et je ne me suis pas tapée sur la tête parce que je me levais trop tard. Belles semaines entourée d’amis, de vrais bons amis qui sont là quand il faut et qui savent nous prendre dans leurs bras quand ça ne va pas… et rire quand c’est ce dont on a besoin. Au Camellia, j’oublie tout. Je n’ai pas de dépression, je n’ai pas de TDAH, je n’ai pas de problèmes, je suis là, il y a mon thé et ma famille d’adoption. Le bonheur. Vous ne connaissez pas? Foncez… FONCEZ!

Les griffes d'un woolong Le dragon-thé Créature malicieuse

Sous le nez d’un dragon, des griffes et des nuages. Et sur le dragon, une créature malicieuse… vraiment malicieuse!

Hier soir, soirée Les visages de la santé mentale dont je vous ai tant parlé. Mon portrait a été mis à l’encan. Ma mère l’a acheté pour me l’offrir. Il trône dans mon couloir d’ici à ce que je lui trouve une place de choix. Je l’ai placé quelques minutes sur ma machine à coudre pour pouvoir lui tirer le portrait. Elle ne restera pas là, trop peur que les minous lui donnent son coup de grâce. Mais je la regarde tandis que j’écris ce billet et je me dis, ouais, c’est un sacré gros combat que je mène et cette photo c’est un peu une victoire.

Laurence-Aurélie Théroux-Marcotte par Patrick Lemay

Laurence-Aurélie Théroux-Marcotte par Patrick Lemay

Sur l’étiquette en bas à droite, il est écrit:

« J’ai toujours trouvé que j’avais un petit air d’extraterrestre, malgré mon côté pétillant, souriant et battant!

Derrière mon sourire, beaucoup de souffrance.

À 29 ans, j’ai explosé en larmes chez mon médecin. Il a compris que je ne me plaignais pas depuis l’âge de 13 ans pour rien. Fatigue, difficulté à me concentrer, introspection excessive, anxiété, tristesse, difficulté à lire, dégoût de la routine, besoin de bouger, temps et efforts nécessaires pour me mettre à la tâche: je n’ÉTAIS pas paresseuse, j’AVAIS une dépression et un TDAH! On m’avait entendue, comprise. Enfin, je ne me battrais plus toute seule.»
Portrait de Laurence-Aurélie Théroux-Marcotte photographiée par Patrick Lemay
LES VISAGES DE LA SANTÉ MENTALE – 5 mai 2014 – Montréal

J’ai accompli tout ça en quelques semaines et je suis fière de retrouver mon entrain, mon humour, ma gourmandise, mon envie de tout plein et de trop plein! Les gens se plaignent de la température. C’est qu’ils ne savent pas comme l’hiver est long dans les ténèbres. Moi je trouve que ce printemps est parfait. Des journées pour tous les goûts. Et du soleil, enfin, jusque tard le soir. Je ne me sens plus coupable.

Je crois que les traitements d’ostéopathie et les Omégas-3 aident énormément. Je me sens mieux, vraiment mieux. Mais j’ai peur d’utiliser ces mots-là… je les ai tellement dits souvent avant de replonger un peu plus bas. C’est pour ça que je me calme. Que je calme mon tourbillon. Doux, doux, tourbillon. On va valser, encore, sans s’étourdir, cette fois. Ok? Ok.

Ça avance. Tout avance.

Demandez à la vie, elle vous répondra.

J’expliquais dans mes deux derniers textes que je ne savais plus où j’en étais, que je ne savais plus ce qui faisait partie de moi et de mes plaisirs.

Je disais aussi que je ne savais même plus si l’écriture me plaisait tant que ça.

Et ben, voilà que j’ai eu ma réponse. D’abord, je suis maintenant sur Twitter (@madamerousseTM). Un homme m’a envoyé un courriel me couvrant de compliments quant à ma plume. J’en ai été flattée, je dois l’avouer.

Ensuite, j’ai commencé un traitement en ostéopathie il y a plusieurs semaines, histoire de me battre contre la dépression sans toujours attendre que les médicaments fassent tout le boulot. J’ai donné mes livres à l’ostéopathe qui les a offerts à ses neveu et nièce. Deux fois il a insisté sur le plaisir que les enfants ont eu à me lire. Il n’y a pas plus belle paye (même si c’est cliché). Aujourd’hui, il me demandait comment on savait qu’une histoire pour enfants est bonne, vu que les phrases sont très simples et le texte très court. C’est simple, on le sait pas sauf quand les enfants aiment ça! (Je vous rassure, ma réponse était plus élaborée… j’ai balbutié pendant le traitement, entre deux « tourne-toi par là » ou « inspire, expire », quelque chose à propos du rythme et des sonorités.)

Hier, je parlais édition avec l’amoureux de mon amie et je me suis surprise à éprouver une tonne de plaisir. Je savais de quoi je parlais et j’en parlais avec enthousiasme. Wow.

Aujourd’hui, en sortant de mon rendez-vous chez l’ostéopathe, j’ai marché. Marché longtemps. L’air était bon, tiède, doux. Un petit vent juste parfait pour remuer les bouclettes et juste assez de soleil pour qu’il soit évident que je suis rousse (certains en doutent encore…)

J’ai marché et je me suis rappelé à quel point j’aimais marcher. On m’a dit souvent récemment de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Je n’ai pas à faire table rase et recommencer à noter ce que j’aime. J’ai tout mon bagage avec moi, suffit d’y faire le ménage (j’entends mes parents me rappeler comme je ne suis pas particulièrement douée pour le ménage… trop dans le détail, découragée par la tâche!)

Je me suis arrêtée finalement au Camellia Sinensis. J’ai jasé avec plein de monde. J’ai essayé d’écrire et j’ai été déçue de ma production. Mon sourire était trop ancré dans ma face pour que je me décourage. J’ai décidé que l’écriture était un muscle un peu atrophié par mon récent manque d’exercice. Ça va revenir, bon.

J’ai tricoté. Une deuxième mitaine. Un contrat que j’ai eu. J’avance bien, je vais pouvoir les livrer avant l’été! Ouf!

Si je fais le bilan des dernières semaines, je me rends compte que j’avance. Pas mal, en plus. Il y a un an à pareille date, j’arrêtais tout et je dormais 16 heures par jour. Je suis revenue à un horaire plus régulier, je souris, j’envisage un avenir, j’ai des projets, je mange et je me fais même à manger, j’écris… et pas que du gris. Je revis. C’est tout un printemps, après deux ans d’hiver.

On m’a dit récemment que j’étais radieuse et pétillante. Je me retrouve. J’étais tellement trippante avant de tomber. Je le serai encore. Je le sais. Ça revient tranquillement. Et finalement, je ne suis pas mécontente de ce petit billet!

J’ai perdu le fil?

Une journée de solitude que je passe comme les autres. Lecture (nouveau grand succès pour moi, je suis re-capable de lire des romans au complet et à une vitesse semi-normale. Grande victoire devrais-je dire… surtout pour une éditrice), tricot, courtepointe, repos, repos et repos.

J’ai perdu le fil. Comment les gens « normaux » vivent-ils leurs fins de semaine? Comment fait-on pour sortir de la routine la fin de semaine alors qu’on est en démarche pour la reconstruire?

J’ai perdu le fil. Je n’ai pas beaucoup écrit sur mes blogues ces derniers temps. Est-ce déjà l’attrait de la nouveauté qui fond? Qui fond au rythme où la neige tombe? Mon bonheur, lui il ne tombe pas. Je suis contente du chemin que j’emprunte. Mais…

J’ai perdu le fil. Je ne sais pas si les chemins que j’ai empruntés me mènent à moi. Forcément, ils mènent à moi. Qu’est-ce que je dis là! Mais mènent-ils à ce que je veux de moi? J’ai des tas de passions, mais aucune ne semble porteuse d’un projet de vie suffisamment rentable pour vivre au-delà du mode survie. Je ne sais pas ce pour quoi je suis faite. Peut-être n’est-on fait pour rien d’emblée et nous fabriquons-nous des raisons d’être et de créer au cours de notre vie? Dans quoi me vois-je?

J’ai perdu le fil de mon histoire. De mon tricot. Les mailles se resserrent où elles étaient trop lâches et se relâches où elles étaient trop serrées. C’est bon. Je sais que c’est bon. Il y a des jours de grisailles où la lumière blanche perce quand même jusqu’à nous. Des jours nuances. Des jours silences.

J’ai perdu le fil de mes histoires. Je ne sais plus écrire. Je ne sais plus quoi écrire. Ni pourquoi. Comment avoir envie d’écrire à nouveau alors que les ventes faiblissent comme un cœur qu’on n’a pas nourri? On n’écrit pas pour l’argent. Mais on écrit quand même pour être lus. Et le doute me prend, fort et inébranlable, qui suis-je donc pour me déclarer écrivaine? Qui lit et aime vraiment mes livres? Est-ce suffisant pour continuer? Suis-je capable de m’imaginer sans l’écriture? Non. Bien sûr que non. Que se passe-t-il alors que mes mots ne se métamorphosent plus en histoires? J’ai de l’avance sur mes éditeurs. Ça me coupe l’inspiration. Vont-ils encore vouloir me publier? J’aurais tellement envie d’écrire une histoire de papillons qui m’emporterait plus vivement que ce fil que je m’acharne à retrouver.

Peut-être ce fil perdu n’est-il pas perdu? Peut-être a-t-il simplement changé de couleur? Je vais le suivre encore un peu. En silence, cette fois. Peut-être me chuchotera-t-il quelques douceurs à l’oreille.

Moi, j’en parle.

Ce matin, j’ai vu ceci sur Facebook. Allez lire et revenez:

http://actualites.sympatico.ca/nouvelles/blogue/sante-mentale-mefiez-vous-des-apparences

J’ai écrit ce statut pour présenter le lien:

À mes amis et ma famille. À mon entourage qui trouve que je parle trop de ma dépression et de mon TDAH. À ceux qui m’ont dit que je devais lâcher facebook quand j’allais mal parce que ça rendait les gens mal à l’aise. À ceux qui ne parlent pas de ces choses-là.

En parler, sincèrement et ouvertement, c’est rester en vie.

Je ne serai jamais gênée d’avoir une maladie. Je ne serai jamais gênée d’en parler. Ce n’est pas pour tout le monde. Tant pis!

– Laurence-Aurélie Théroux-Marcotte

J’aurais pu ajouter: « À tous les gars qui m’ont laissée de côté parce qu’ils m’ont considérée « folle et ingérable », sachez que moi, au moins, je le sais que je le suis et que je me guéris! Des bras aimant, de toute manière, ça aide souvent à ses gérer…
Toute la matinée, alors que j’ai répondu aux messages sous mon statut, je revenais à un texte que j’ai écrit hier, que je voulais lumineux et qui était triste, contre moi. C’est peut-être ça, la dépression. La lumière dans la noirceur. Je vous laisse juger.

(Premier jet)

Il y a ces textes que j’aimerais écrire.
Ce sentiment nostalgique, de tristesse pas dramatique, que j’aimerais définir.
Ma douce mélancolie. Que je défends comme une tigresse, rousse.
Rouge de griffes, griffée au sang.
Que je hais comme la pluie déteste l’arc-en-ciel. Casseur d’ambiance.
Une nuit de pluie, fine et mélodieuse. Une pluie d’étoiles sur les pavés.
Ça glisse, on glisse, on m’a désemparée.

Cette tristesse contre laquelle je me bats. Je veux réapprendre à être seule.
Apprécier les longues heures à parler à cet alter ego d’ombre et de lumière.
J’ai oublié comme on croque délibérément dans une solitude pêche. Une solitude qui m’apportait tant.

Maintenant, j’ai peur du noir.
Parce que le noir n’a de sens que s’il baigne dans une marée d’étoiles sur les pavés.

Mais, mais… S’il y a de la tristesse dans mes journées, il y a tant de vie dans mes mélancolies.
Elles sont joyeuses, aussi, mes heures grises, mes années de pluie.

J’aimerais pouvoir écrire.
Cette lumière dans les ombres ternes.
Les plaisirs d’un sans limite, même s’il ne goûte ni sucré ni salé, un sans limite qui n’est pas non plus amer ni acide.
Le plaisir, c’est ironique, d’un sans limite aseptisé et statique.
Il y a une vie derrière la catatonie et les yeux de verre.
Je vis.
Je le sais.
J’entends mon cœur qui bat. Si fort, si vite, si mélodieux, mon cœur.

Et toi, tu n’as rien vu de tout ça.
Tu m’as prise et vidée sans avertir, sans réaliser ma fragilité. Faut dire que j’aime bien la cacher. Elle n’est pas si sexy…
Je t’ai ouvert une porte que je gardais sauvagement fermée.
Comme une tigresse délaissée. Une tigresse rouge, au cœur égratigné.
Un cœur roux et fougueux, sans malice, bourré d’anis étoilée.
Du petit piquant que tu ne cherchais même pas.
Tu n’as pas pris le temps d’ouvrir la porte au complet. Elle n’était pas ouverte au complet.
Tu as choisi d’y poser le pied pour que je ne puisse plus la refermer.
Et tu es parti rompre la solitude ailleurs.
Mon petit cœur sur les pavés une nuit de pluie sans étoiles.

J’aimerais avoir les nuances qu’il faut pour exposer tous les brillants d’un cœur, de mon cœur, bleu bataille, vert de mer.
La lumière d’un œil qui veut battre la chamade, lui aussi. Qui voit même dans la plus profonde des pluies qu’on est encore loin du désastre.

Ce désastre que j’ai toujours pensé loi, d’ailleurs. Il m’a plié les genoux et fendu la poitrine.
Mais mon cœur est resté bien accroché.
Il a remonté la côte et s’est bercé un moment dans ma gorge.
Je ne l’ai pas recraché.
Bien établi, bien bâti, il ne s’arrêtera pas de battre même devant une solitude pleine d’amertume.
Il ne goûtera à rien, ni l’amer ni l’acide.
De cette vie , lumineuse pourtant, qui me tourne en bourrique.
Et je marche.
Sous la pluie.
Sur les étoiles du pavé par une nuit qui veille avec la lune.